samedi 6 juin 2020

Le Chamois apeuré

LIVRE III - Fable 41 - (Editions Thot en 2018 - Fabuleux Dédale)






Le chamois apeuré

L'Isard, roi des sommets, mais craintif à l’envie
Au pied d’une paroi croyant voir un chasseur
Se fit peur
S’enfuyant au bout de sa vie.
Dame Peur le confond aux tourments de l’angoisse
Sans qu’il n’en voie la poisse.
Le chamois eut peur de son ombre
Il eut peur de sa peur trop sombre.
Avec émoi, gardant l’aisance, il court encore
Il saute, il bondit, va jusqu’au bout du décor
Un endroit périlleux où d’aucuns ne s’immiscent
Sans jamais qu’il ne puisse
De sa nuque blanc jaune en rectifier la course.
Dans les neiges éternelles, il était aux limites
Il vit l’eau qui coulant de  source
Au bord du précipice le stoppa dans sa fuite.
Que le Maître des Dieux dédaigne
Intervenir sur les règnes
Qui l’eut cru ? Exception fut faite.
Le conseil divin au plus haut des faîtes
Lui rappela les peurs qu’il avait maîtrisées :
Des sommets, peur de la solitude d’Écho
Peur de changer de peau, de Janus la risée
Peur de la mort d’Hadès, la fin des haricots
Sensible à Prométhée par crainte des souffrances
Ou Méduse insufflant la phobie des angoisses
Et même par constance
La peur du bonheur des trois Grâces
Il aurait dû ruminer d’extase à son âge
Dans ses beaux pâturages !
Il s’était hasardé, n’ayant plus que l’abîme
Ne pouvant plus ni avancer ni reculer
Il n’avait plus rien de sublime
Devant cet abysse, acculé.
Ce n'est pas si facile que d'ouïr les dieux
Parfois, cela déclenche des troubles morbides.
S’esbignant du névé au plus haut de ces lieux
D’un benêt saut d’âne il se jeta dans le vide.
Quoiqu’on dise sur les peurs et sur leurs dilemmes
Il n’est pas pire peur que la peur de soi-même.


3 commentaires:

  1. Merci pour ce beau moment de lecture. C’est génial de savoir écrire d’aussi belles fables. Bravo.
    Doriane

    RépondreSupprimer
  2. J'ai toujours plaisir à vous lire. Continuez à nous faire rêver

    RépondreSupprimer
  3. Comme d’habitude c’est excellent. Que de détails et de suspense. Merci pour la fable.
    Sébastien

    RépondreSupprimer