Le jugement de l’âne et du cochon
Par
un temps de cochon
Se
tint dans une grande bacchanale
Devant
les animaux ronchons
Session
du tribunal.
Au
froid matin se présentèrent
Le
gras cochon, l’âne grisâtre
Dont
tous les assistants glosèrent
Jugeant
d’entrée les deux bellâtres.
Dès
la lecture de l’acte d’accusation
Devant
le roi des animaux
On
reprochait bêtise et perversion
A
des accusés immoraux.
Maître
Corbeau porta la charge :
« Le
plus grand des deux est si bête
Que
l’humain par bonnet d’âne l’a rendu barje
Et
l’autre nettoie tout, des ordures aux gobettes,
Que
les rats lui en mangent la couenne
Sans
qu’il s’en rende compte.
Les
deux sont associés au diable, porc et âne
De
nos espèces, ils sont la honte ! »
Lors
Maître Hibou avocat de la défense
Chamarré,
souriant, d’une grande élégance
Manda
humblement la parole :
« On
le dit miné d’appétits grossiers, c’est fol !
Le
porc est très propre et ne mange qu’à sa faim
Car
plus intelligent qu’un chien
Ces
tours de cochons à la fin
De
l’accusation justifie les moyens ! »
« C’est
pour ça qu’il grogne en se vautrant dans l’ordure
L’âne
chaud associé à sa luxure ! »
Vitupéra
notre corbeau.
« Mais
ne faites pas le cabot !
Dire
du mal sans preuve du porcin en somme
N’est
que cochonceté
L’animal
sacré parce que plus proche de l’homme
Est
un doux mal-aimé tant chéri des mouflets.
Pour
l’autre et sa chaleur
L’âne
chauffe la crèche ou bien est-il lubrique ?
Et
question connaisseur
Le
voyez-vous aimable ou bien bourrique ? »
« Ne
passez pas du coq à l’âne ! »
« Maître
Corbeau c’est vous le coq ! Le bonnet d’âne
Etait
jadis un compliment
Comme
quoi on était sage et savant.
Vu
qu’on dénigre tout
Vous
avez voulu en faire un benêt têtu ! »
« Vous
êtes un vil idiot, Maître Hibou ! »
« Et
vous un malotru !
Vous
préférez la honte à l’encouragement
Hep !
La carotte rend aimable
Mangez-en !
Vous
serez moins minable
C’est
elle qui fait avancer l’âne. »
« Président
j’en ai plein le dos ! »
« Normal,
si vous étiez un âne !
Terminons
la querelle en quelques mots
Du
tact les plus stupides
Sont
ceux qui en jouissent le moins, plus rapides
A
salir leurs voisins
Moi,
je veux ici seulement la vraie justice ! »
« Moi
aussi ! », s’écria le corbeau argousin.
« Cochon
qui s’en dédit ! », répliqua la malice.
La
Cour délibéra
Aussi
vite que détale les rats
Le
lion dit son jugement :
« Ici
point de patience et de longueur de temps
Le
tact, parmi les sens
Contribue
le plus à l’intelligence
Car
trop souvent du juste sens
On
en détourne l’évidence.
Âne
et cochon sont libres
Tact
et intelligence sont leurs équilibres
S’ils
sont bêtes tout comme nous
Ils
ne sont point idiots, mais sages, aimants et doux. »
Lorsque
l’on sait que tout arbre à son ombre
Le
voile qu’on porte sur l’autre sans encombre
Comme
le blé cache l’épeautre
Dissimule
les vraies qualités par des faux.
Avant
de condamner les autres
Songez
à vos défauts !
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