Cahin-caha
Un fort cheval blanc halait la péniche
Quand sa pouliche draguait le canal
L’on jacta qu’il ne voyait pas la triche
Mais que faire étant pris entre brique et fanal ?
La robe alezane cachant peu ses appas
Le toupet empreint de bonté
Conduisait au trépas
Leur ami, un taureau tantinet effronté.
Quelque intelligent que fût l’animal
Aux assauts des œillades luxurieuses
Il s’imaginait succomber au mal
D’une passion furieuse.
Et rien n’est pis que cette maladie
En espérant quelques agapes
Elle le zieutait, le poursuivait, le mirait
De pied en cap
A lui faire perdre la raison.
En pleine bandaison
Surgit l’ennemi notoire de la famille
Diable ! Le bouc, la barbe, jaloux méchant drille
Tourmenteur s’offusquant du rossard qui abuse.
Et l’innocent idiot qui s’excuse, s’accuse
Quand même l’aguicheuse
En devient bégayeuse.
Le bouc dit au cheval qu’il faudra qu’il se venge
Sur l’outrage qu’il prenne sa revanche.
Notre équidé ne veut se vautrer dans la fange
Mieux vaut vivre que croupir entre quatre
planches !
Aimant voir le jour poindre
A quérir ses amis
Sans proposer d’occire ni conjoindre
En estoquant ou liant fausse bigamie.
Le taureau mène à la lumière
De pure beauté hédonique
Quand le bouc fait barrière
D’obscène souffle satanique.
Lors, notre canasson digne d’un palefroi
Connaît l’ami, sa dame et ses effrois
Et plus que tout, son ennemi
Pour qui il morigène l’avanie.
De la gêne vaille que vaille
Plutôt qu’aller à la déroute
L’ami se doit d’être une route
Quand l’ennemi dresse muraille.